Hôpital Saint-Louis

 

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XIXème siècle

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Les premiers essais cliniques du goudron de houille (goudron minéral) sont effectués en 1832 par le Docteur Emery, alors Chef de service à l’Hôpital Saint-Louis (Paris).

La pommade au goudron de houille devient, en 1837, le traitement de référence à l’Hôpital Saint-Louis :

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Traitement du Psoriasis par le Docteur Emery 

«La pommade de goudron est jusqu’à présent la seule préparation pharmaceutique avec laquelle on guérisse toujours. Je ne crains pas de l’affirmer : plus de 700 faits viennent à l’appui de cette assertion : j’en appelle au témoignage de tous les médecins, à celui de tous les élèves qui ont suivi mes visites à l’hôpital Saint-Louis, et aux praticiens qui l’ont mise en usage depuis que j’ai publié mon premier article dans ce recueil. On lui reproche de salir le linge, et une administrateur proposait même d’en supprimer l’emploi ; il aurait dû ajouter qu’il serait bon de supprimer les maladies sur lesquelles son action est puissante ! De pareilles objections sont si puériles qu’il est nécessaire de s’y arrêter. Je répète que le meilleur traitement connu contre le psoriasis et la lèpre vulgaire est la pommade de goudron. Son usage n’amène jamais aucun accident, et l’on guérit plus promptement avec elle qu’avec tous les autres remèdes prônés jusqu’à ce jour. Je m’offre de faire voir à tous ceux qui sont incrédules que je n’ai avancé que des faits vrais, et que je n’écris pas pour faire parler de moi, mais bien pour être utile à l’humanité, et pour remplir les engagements que j’ai contractés en acceptant la place de médecin à l’Hôpital Saint-Louis.

Le Docteur Emery.»

Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale 1837, n° 13. – Paris : chez le rédacteur en chef, 1837.Cote : 90014, 1837, n°13 Sélection de pages : 69 à 76

 

1836 : Extraits du “Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale” Tome 10 par J.E.M Miguel (ancien chef de clinique de la faculté de médecine de Paris, à l’Hôpital de la Charité)

« M.Emery emploie avec succès une méthode, le goudron, qui l’emporte de beaucoup sur toutes les précédentes »

« Le goudron est entré, depuis deux ou trois ans, dans la thérapeutique de certaines affections cutanées. On en fait à l’Hôpital Saint Louis un grand usage. Monsieur Emery qui met autant de complaisance que de zèle et de talent dans la direction du beau service qu’il possède à l’Hôpital Saint-Louis, a étendu l’emploi de la pommade de goudron au traitement des maladies de la peau les plus graves et les plus rebelles : Le psoriasis et la lèpre vulgaire.»

« Les résultats que l’on obtient sont des plus satisfaisants. Aucun remède, si ce n’est cette pommade de goudron, préconisée récemment par M. le Docteur Emery, n’a d’efficacité aussi marquée contre le psoriasis. Ils sont tous aussi impuissants les uns que les autres »

« Elle a l’immense avantage de procurer une guérison plus rapide. »

1837 : Bulletin général de thérapeutique médicale et chirurgicale, Tome 13, ‘Du traitement du psoriasis avec la pommade de proto-iodure de Mercure’, p 13, par E.M Miquel, D.M., 1837 

«Ainsi, parmi les affections cutanées, le psoriasis est peut-être celle qui, en raison de sa fréquence et de la résistance qu’elle offre aux moyens curatifs, a été l’objet du plus grand nombre de tentatives, soit à de l’intérieur, soit à de l’extérieur.»

« Que l’on soit incommodé par l’odeur du goudron, que l’on soit pendant six semaines ou deux mois dans la malpropreté*, tout cela n’est rien si l’on guérit. En effet, de pareils inconvénients sont, comme on le voit bien minimes, si l’on considère les résultats qu’obtient M. Emery. Aussi dirons-nous que pour abandonner cette méthode, il faudrait en trouver une qui, sans avoir les désagréments de celle de M. Emery, en eût tous les avantages. » * En effet, « les malades qui sont soumis au traitement, s’ils veulent guérir plus promptement, ne doivent pas changer de linge pendant plusieurs semaines, pendant plusieurs mois même ; on leur laisse les mêmes draps, la même chemise, pendant toutela durée du traitement. »

1841 : Extraits du Dictionnaire des dictionnaires de médecine français et étrangers (ou Traité complet de médecine et de chirurgie pratique) Tome 6, par une société de médecin sous la direction de M. FABRE (rédacteur de la Gazette des hôpitaux), 1841 (p 587) :

« La pommade, dit M. Emery, aux trois quarts ou deux tiers de goudron et un tiers d’axonge (graisse de porc), est toujours sans inconvénient ; son premier effet est de faire tomber les squames et de guérir les psoriasis de la circonférence au centre. Très rarement les psoriasis résistent plus de trois à quatre mois quand les malades sont dociles et ne craignent pas de se barbouiller de pommade. »

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XXème siècle

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La pommade de Brocq :

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Au XIXème siècle, le Dr Louis BROCQ, Médecin à l’Hôpital Saint-Louis, a expérimenté en France le goudron de houille, ou coaltar. C’est alors qu’est apparue la pommade de Brocq. En témoigne cette composition qui comprend également des agents réducteurs (‘apparus dès 1878, ils diminuent la concentration en goudron et limitent ainsi les effets secondaires’, il s’agit des acides ainsi que de la chrysarobine) et de l’axonge (graisse de porc) :

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Source : Traitement du psoriasis par les goudrons : passé et présent, M. Faure, Mme Antognarelli, 1996.

D’après cette même source, la pommade de Brocq était encore utilisée en 1996 mais essentiellement dans le milieu hospitalier, les goudrons ayant été « détrônés » au profit d’autres molécules.

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1907 : Le Dr Brocq a écrit un article paru le 14 décembre 1907 dans Le Progrès Médical, intitulé “Aperçu sur le traitement des diverses formes de psoriasis (1)”.

Il préconise fortement les traitements externes généralisés (non simplement sur les zones malades mais sur tout le corps) à base de pommades, composées notamment de goudron. Après s’être savonné, il explique que le patient devra s’enduire de pommade et porter un linge épais en coton, toujours le même afin qu’il soit bien imbibé. Le matin, le patient retirera la crème pour la remplacer par une autre, non odorante, et enfilera un autre linge. Une fois l’éruption disparue, le patient devra poursuivre le traitement 1 à 2 fois par semaine durant des mois pour rester en « état apparent de guérison ».

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1909 : Le Dr Milian a également rédigé un article dans ce journal, paru le 22 mai 1909, rubrique « Médecine pratique », intitulé « Le goudron de houille brut en dermatologie ».

Il y explique que le Dr Brocq préconise le goudron de houille brut pour le traitement de certaines maladies de la peau (en particulier l’eczéma). Il fait également allusion à l’ancienneté de la technique en mentionnant l’usage qu’en faisaient les marins.
Le Dr Milian indique notamment comment appliquer le goudron de houille, il insiste sur le fait de laisser sécher le goudron sur la peau (de 20 minutes à plusieurs heures) pour que son efficacité soit maximale. Il conseille de talquer (si le goudron ne serait pas suffisamment sec et donc pour qu’il n’imprègne pas le linge mais reste bien sur la peau), puis de recouvrir d’un linge non imperméable. Le patient doit conserver le « pansement » au minimum 2 jours (sauf s’il souffre d’une quelconque réaction) et laisser le goudron s’estomper seul (en continuant de « mettre de la poudre » de temps en temps). Nous arrivons alors au 4ème, voire 6ème jour de traitement. Il faut alors recommencer le processus le cas échéant.
Si le patient a mal réagi, le docteur préconise de réaliser un nouveau pansement, sans goudron et apaisant cette fois-ci.
Enfin, le Dr Milian vante les principaux avantages du goudron : « sécher les surfaces suintantes, en modifier et en calmer la rougeur, la tuméfaction et l’inflammation, enfin supprimer pendant quelque temps le prurit. » et indique que le goudron est peu irritant. Il précise que, même appliqué sur une surface inflammée ou suintante, une éventuelle sensation de brûlure ne saurait durer plus de quelques minutes, très rarement plusieurs heures. Il ajoute que « cette substance doit entrer dans la pratique courante des hôpitaux et y remplacer d’autres topiques infiniment plus coûteux. ».

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La pommade Saint-Louis :

La pommade Saint-Louis : une formule pour tout traiter, de l’érythème fessier au psoriasis

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Pharmacie Kerangal_Rennes

La pommade Saint-Louis est une préparation réalisée directement par les pharmaciens autorisés. Elle contient du goudron que l’on retrouve sous la dénomination d’« ichthyol ». Ce goudron peut être défini comme suit : « goudron sédimentaire, issu de la distillation sèche de roches bitumeuses ou schistes, résultant de la décomposition de matières animales telles que poissons et autres animaux marins préhistoriques. » (Source : http://www.lemoniteurdespharmacies.fr/revues/le-moniteur-des-pharmacies/article/n-3113/l-ichthyol.html).

Cette substance a fait son apparition en thérapeutique dermatologique après avoir été introduite par le Dr Unna (Dermatologue Viennois) en 1880 (source : Traitement du psoriasis par les goudrons : passé et présent, M. Faure, Mme Antognarelli, 1996). Elle est toujours utilisée aujourd’hui.
La pommade Saint-Louis est, semble t-il, surtout employée en Normandie (d’après certains utilisateurs sur les forums), mais aussi en Bretagne. Attention, cela ne signifie pas que tous les pharmaciens connaissent ou préparent cette pommade. Elle est en particulier préconisée chez les nourrissons (érythèmes fessiers).

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Goudron de houille associé aux rayons ultra-violets

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1930 : Paris Médical : la semaine du clinicien – 1930, n° 75, partie médicale. – Paris : J.-B. Baillière et fils, 1930. Cote : 111502, 1930, n°75 Sélection de pages : 374 à 376 Article de E. Daubresse-Morelle (Chef de service à l’Institut chirurgical de Bruxelles)

« Depuis un an et demi, nous expérimentons dans notre service l’action exercée sur le psoriasis par les rayons ultra-violets appliqués en traitement général sur tout le corps, associés au badigeonnage des lésions par le goudron de houille. Nous avons avec cette méthode soigné une quarantaine de malades. Beaucoup étaient porteurs de psoriasis très anciens, remontant parfois à dix ou quinze ans et ayant résisté à tous les moyens thérapeutiques habituels. Nous avons constaté que dans la plupart des cas, les rayons ultra-violets associés au badigeonnage de goudron se montraient réellement efficaces. Nous considérons ce mode de traitement comme étant supérieur aux autres méthodes employées jusqu’à ce jour. »

« Cette technique a, dans la majorité des cas, fait disparaître les éruptions de psoriasis, et cela d’autant plus facilement, nous semble-til, que l’éruption est plus importante. Ce mode de traitement nous parait de beaucoup supérieur aux autres méthodes, par le degré et la constance des résultats obtenus et par la facilité de son application. »

 

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